Selon la légende, lorsque les Romains conduisirent Aghios Isodoros à l'exécution, ce dernier, exténué mais sans se repentir, pleura tout au long du trajet et ses larmes, qui coulèrent sur la terre, devinrent de la gomme odorante... Une variante suggère que Saint-Isidore aurait été saigné par les Romains sous un arbre à mastic. Les arbres sympathisèrent avec Isidore et commencèrent à pleurer : leurs larmes sont de la gomme de mastic.

Toujours est-il que le pistachier lentisque, arbre très répandu en Méditerranée, n'exsude sa résine odorante appelée "mastic" que sur l'île de Chios !

Les Génois se lancent les premiers dans le commerce de cette gomme : succès immédiat !

Bientôt, les femmes ottomanes du harem du Sultan se disputent cette pâte collante qui blanchit les dents.

L'emploi du mastic s'est depuis largement diversifié : il entre dans la composition des chewing-gums mais aussi de confiseries, de médicaments, de cosmétiques, de liqueur...

Le mastic possède d’importantes qualités pour la médecine et l’industrie pharmaceutique, dont certaines sont connues depuis l’Antiquité. En médecine, il a été utilisé pour traiter l’hypertension artérielle, le diabète, le cholestérol, la bronchite et les maux d’estomac. Il est également utilisé dans la production de fils chirurgicaux. 

Nous avons du reste systématiquement dans les magasins ou les tavernas, sur Chios, trouvé du gel hydroalccolique au mastic !

Bref, le mastic a toutes les vertus... sauf celle de stopper le Meltem !

De quoi s'intéresser de plus près, néanmoins, à cette production originale...

Bien que l'on voit des pistachiers lentisques quasiment sur l'ensemble de Chios, sa culture est circonscrite à une vingtaine de villages du Sud de l'île : les "mastihohoria", là où les conditions climatiques sont les plus favorables.

Pour comprendre sa culture et sa récolte, nous nous rendons au Musée du Mastic édifié sur un terrain cédé par l'Union des producteurs de mastic qui surplombe les plantations. L'on comprend ainsi la manière dont le travail du mastic a façonné le paysage rural.

Expositions très intéressantes qui expliquent l'histoire de la culture du mastic, le savoir-faire traditionnel de sa récolte et sa transformation.

Il s'agit d'un long travail étalé sur toute l'année :

Avant de penser à la récolte, il faut procéder à la taille des arbres, en janvier et février. Les branches inférieures sont taillées pour donner une forme spécifique à l'arbre et créer des passages pour la circulation de l'air et de la lumière.

Le sol autour du tronc doit être exempt d'autres plantes, ainsi, à la fin du printemps, le nettoyage et le nivellement du sol ont lieu afin que toutes les gouttes qui pourraient tomber sur le sol puissent être collectées. Le pied des arbres ainsi nettoyé est alors passé à la chaux.

Le « mastic », gomme naturelle, est obtenu par incision répétée des tiges. Ces petites cicatrices sur l'écorce du lentisque représentent l'étape la plus cruciale de la production de mastic. Ce travail commence en juillet et se poursuit tout au long du mois d'août, parfois jusqu'à la fin septembre.

De ces entailles s'écoule peu à peu une résine qui se transforme en grains de mastic.

Les larmes ainsi produites sont séchées naturellement par le soleil et récoltées après plus de deux semaines de repos et de solidification.

Il faut alors le "cueillir" sur les arbres ou le ramasser sur le sol chaulé.

Une fois le mastic enfin collecté, les producteurs le tamisent à l'aide de différents types de tamis, pour séparer les feuilles, la chaux et la terre.

Après avoir répété 3 à 5 fois ce tamisage, le mastic est séparé en fonction de sa qualité.

Depuis sa collecte au cours de l'été et jusqu'en novembre, il est stocké dans les maisons, étalé au sol de manière à ce qu'il se solidifie.

Lorsque le temps se refroidit, il est temps de nettoyer les larmes de mastic, devant les maisons, dans les cours ou dans la rue.

Il est lavé à l'eau, laissé à tremper pendant une journée, puis égoutté.

De cette façon, la poussière et les restes de pierre sont éliminés et la résine jaune est séparée de la blanche.

Ensuite, il est nettoyé avec du savon et rincé.

C'est le temps du séchage : les morceaux de mastic humide sont étalés sur des draps blancs, sur le sol, sur les toits, même dans la rue, afin qu'ils sèchent et restent propres.


De l'automne au début du printemps, les producteurs nettoient leur mastic. Les femmes, travaillant en groupe, le « pincent » afin d'éliminer les impuretés qui pourraient rester collées sur les granules de mastic.

Le mastic est principalement lié au travail des femmes où solidarité et coopération sont indispensables.

Tout ce long travail de nettoyage du mastic est fait... pour les autres puisqu'il est vendu pour être transformé.

Chaque arbre peut produire de 150 à 200 grammes par an de mastic.

Dans l'un des villages, nous avons croisé une vieille femme en plein travail de tri :