30 septembre 2022 :

En retrait des circuits touristiques, et très exposée lorsque les vents se déchaînent, l'île d'Ikaria est une véritable montagne dans la mer.

Sur les douze villages de l'île, onze sont montagneux. 

Nous voilà donc partis à l'assaut du relief.

Les routes sont très sinueuses et pas toujours en bon état mais la lenteur imposée permet de profiter des paysages.

Dans la partie Nord d'Ikaria, la végétation est très dense et, à cette époque de l'année, la bruyère est encore en fleurs. Le bourdonnement des abeilles est incessant et les ruches omniprésentes.

La verdure tranche avec le bleu de la mer et du ciel. Les quelques bâtisses entre les arbres sont couvertes de lauzes.

Petit arrêt à Edvilos, second port de l'île sur la côte Nord, après avoir traversé des vallons plantés d'oliviers d'où émergent de petits villages traditionnels.

Nous entamons la traversée d'Ikaria pour rejoindre la côte Sud : pas d'hésitation pour savoir d'où vient le vent dominant !

Nous traversons des paysages très minéraux et sauvages où les seules rencontres sont celles faites avec des chèvres.

Et c'est ensuite la descente impressionnante sur le versant Sud.

Nous nous dirigeons vers le petit village de Magganitis après avoir emprunté le seul tunnel d'Ikaria, percé dans les années 90, pour relier, par la route, le village au reste de l'île. Les blocs de granit se font de plus en plus imposants.

Le petit port de Magganitis est spectaculaire entre les eaux d'une limpidité exceptionnelle, les rochers granitiques et l'arrière-plan montagneux imposant.

Charme indéniable, très loin du tourisme...

La route qui nous ramène à Agios Kyrikos est en corniche permanente au-dessus des flots.

Nous faisons une dernière halte à Therma pour un petit bain dans l'une des sources d'eau chaude qui sort d'une grotte marine.

Ces sources seraient-elles l'une des raisons pour lesquelles Ikaria est remarquable par la longévité exceptionnelle de ses habitants ?C’est en effet l’une des cinq « zones bleues » du monde – avec la Sardaigne, une région montagneuse du Costa Rica, l’île d’Okinawa au Japon et Loma Linda en Californie – où l’on recense un haut pourcentage de nonagénaires et centenaires en bonne santé.


En 2011, une étude menée par l’université de médecine d’Athènes avance que 13 % de la population ikariote a plus de 80 ans, alors qu’un peu plus de 1 % de la population mondiale atteint cette tranche d’âge.

Il ressort de cette étude que les personnes âgées à Ikaria ont moins de maladies articulaires, de diabète et de dépression liée à la vieillesse.

L’alimentation joue un rôle important : beaucoup de champignons, des légumes, des herbes (plus de trente-cinq espèces différentes d’herbes sauvages sont présentes sur l’île), des pommes de terre, des céréales (surtout de l’orge et du seigle), ainsi que du lait de chèvre. Mais aussi beaucoup de tisanes de menthe, de sauge, de romarin, deux tasses de café grec bouilli par jour et un verre de vin à chaque repas...

Une activité physique régulière mais modérée (la marche) est également un des facteurs de cette longévité exceptionnelle.

Et aussi une entraide intergénérationnelle remarquable : les anciens ne sont pas mis à l'écart de la société, ce qui pour les médecins explique le faible taux de maladies psychiques.

L’entraide et la notion de liberté tiennent une place important pour les Ikariotes. Leur île a été une terre d’exil pour les opposants communistes pendant la guerre civile et ces militants de gauche, comme le compositeur Mikis Theodorakis, ont influencé le mode de pensée des habitants. A cette époque, près de 15 000 partisans communistes ont été déportés pendant la guerre civile alors que le nombre d’habitants à l’époque n’était que de 11 000...

Les chercheurs précisent également que ce qui est marquant à Ikaria, c’est qu’il n’y a pas de classes sociales. Personne ne parle d’argent, ne se vante d’exercer telle profession ou d’avoir acheté telle marque. A Ikaria, la société n’est pas consumériste.

Mais, alors que l’île se modernise et devient de plus en plus touristique, certains villageois s’interrogent : les nouvelles générations vont-elles vivre aussi longtemps à Ikaria ?...

Toujours est-il que nous allons bien retenir la leçon des allègres centenaires de l'île afin de pouvoir voler encore longtemps de nos propres ailes...