Nous profitons d'une accalmie pour reprendre la mer et voguer en direction de Marsala.

Compte-tenu des conditions météo, nous faisons l'impasse sur les îles Egades où les mouillages ne sont possibles que par beau temps, or la mer est très formée et le vent devrait à nouveau forcir dans les 48 heures à venir. Nous passons donc à proximité de Favignana sans nous y arrêter.

Quelques heures de mer pour rallier Marsala en longeant les marais salants par une mer bien agitée.

La mer est à 14,8°... et la température extérieure de 15°... Les shorts ne sont pas de sortie !


La ville de Marsala servit de refuge, au IVe siècle avant JC, à la colonie phénicienne de Motya, située entre Trapani et Marsala qui fut détruite par Syracuse. Les arrivants y fondèrent une nouvelle colonie, Lylibeo, « la ville qui regarde la Lybie ».

La cité devint rapidement romaine et fut un important centre de commerce et administratif. Embellie de villas et d’édifices publics, Cicéron, qui en fut questeur, la qualifia d’ « Urbs resplendissante ».

Dévastée par les Vandales au Ve siècle, elle fut annexée par la suite à l’empire byzantin. Mais, loin de Bizance, elle fut victime d’incursions pirates.

Le débarquement des arabo-berbères marqua une reprise du commerce et la renaissance de la ville. Les arabes l’appelèrent Marsa ʿAlī (Port d’Alī) ou bien peut-être Marsa Allāh (port de Dieu).

Le 11 mai 1860, jour de gloire et d'espoir pour Marsala : Garibaldi y débarqua avec les Mille (1000 volontaires en chemises rouges). C'est le début de l'histoire de la Sicile libre et de l'Italie unifiée.

De nos jours, cinquième ville de Sicile, Marsala se développe autour de la viniculture, du commerce et du maraîchage.


Nous séjournons sur le ponton d'un chantier naval, un peu excentré. Beaucoup de bateaux sont encore à terre sur le terre-plein ou en hivernage et les ouvriers s'affairent pour la saison qui va redémarrer. Pour l'instant, nous ne croisons pratiquement aucun bateau en mer...

Comme souvent, hors du centre historique, les bâtiments souffrent de décrépitude et semblent à l'abandon !

Une fois les formalités effectuées, nous partons à pied en direction du centre ville.

Nous franchissons la Porta Garibaldi pour pénétrer au coeur de la vieille ville, dite "espagnole".

Beaucoup de charme dans ce quartier historique où la saison touristique commence à peine, ce qui nous permet de profiter en toute quiétude du patrimoine baroque.

Passage par une très belle cour, ornée de ficus immenses, dont l'ombre et la fraîcheur de la fontaine doivent être fort appréciables en plein été...

Un cloître qui abrite une exposition dans les salles adjacentes...

... et de nombreuses enoteca pour déguster les différentes déclinaisons du Marsala !

Bref, de quoi se consoler des caprices d'Eole qui s'obstine à souffler fort de la direction où nous souhaitons aller.

Nous partons donc en direction du Musée archéologique Baglio Anselmi.

Aménagé dans des entrepôts du XIXe, le joyau de ce très beau musée est un navire de guerre carthaginois (liburne) du IIIe siècle avant JC, découvert à proximité de Marsala.

Il n'en reste que la proue et une partie de bordée mais qui ont permis aux archéologues de reconstituer sa forme originale : 35 m de long, 4,80 m de large, 120 tonneaux et 68 rameurs.

Outre les plantes transportées (dont le haschich qui délassait les marins...), on y a retrouvé des ancres et bon nombre d'amphores. A la grande surprise des chercheurs, les clous, restés plus de 20 siècles sous l'eau, n'ont pas un point de rouille : ce détail surprenant a intéressé jusqu'aux scientifiques de la NASA et, si cinq métaux de l'alliage ont été identifiés, le catalyseur qui les a rendus inoxydables reste toujours inconnu...

Une superbe collection d'amphores de toutes formes et tailles informe sur le commerce du port avec l'Afrique, le Moyen Orient et l'Espagne : il s'agissait d'huile, d'agrumes, de fruits et déjà de vin.

Belle surprise que le brasero portable en terre cuite qui permettait de faire la cuisine à bord :

D'autres salles du musée présentent de nombreux objets retrouvés dans la région et notamment des urnes funéraires.

Et même les biberons d'époque pour le moins originaux...

A proximité, en traversant un grand espace laissé à l'état sauvage, face aux îles Egades, nous découvrons les vestiges d'une villa romaine avec des mosaïques polychromes mais le souci de préservation n'a pas été le même que dans le musée...

Le vent se renforce encore en soirée et souffle à 30 noeuds toute la nuit...


Donc autant consacrer la journée suivante à approfondir notre connaissance de la "dive bouteille" qui fit la réputation mondiale de la ville. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous réservons une visite guidée de l'établissement vinicole le plus réputé de Marsala !


En 1770, une tempête obligea l'anglais John Woodhouse à s'abriter à Marsala. Il goûta au vin local et en acheta 50 barils pour le rapporter en Angleterre où il connut un franc succès. Woodhouse revint en Sicile et produisit son propre vin qu'il exporta facilement. Bien vite, le nombre d’amateurs britanniques explosa si bien qu’une ligne maritime vit le jour entre Liverpool et Marsala. 

Un autre anglais, Benjamin Ingham fonda lui aussi à Marsala un établissement vinicole.

En 1800, une commande d’Etat bouleversa l’avenir du Marsala. L’Amiral Nelson rédigea une lettre où il est mention d’une commande annuelle de 500 tonneaux pour la flotte anglaise installée en Méditerranée près de Malte. Avec la victoire anglaise à Trafalgar sur la flotte franco-espagnole, le Marsala fut baptisé Outre-Manche le « Marsala Victory Wine »

Un jeune calabrais, Vincenzo Florio, s'installa à Marsala. Parti de peu mais doté d'un flair infaillible, il commença sa prodigieuse ascension avec le nom de sa marque, racheta les établissements britanniques et devint le principal producteur et exportateur du vin de Marsala.


Or, Bellisa est amarré à proximité de la cave Florio...

Nous voici donc très attentifs au discours lors de la visite de l'établissement et savons faire honneur aux vins présentés lors de la dégustation.

Les vins de Marsala sont produits en différentes classifications selon leurs caractéristiques et leur âge.

Ce n'est pas notre passage qui entamera beaucoup les 6,5 millions de litres de vin entreposés dans les barriques en chêne de l'établissement...